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Lieu : La campagne septentrionnale, France

11 juillet 2006

Au Mister Ming

Voici donc le fameux texte (le pauvre titre est de moi)^^ Il est moins long que je ne pensais finalement. C’est un texte qui me fascine, je ne pourrais dire pourquoi. L’ambiance certainement. En quelques lignes, on a toute l’ambiance des bordels de Hongkong. Entre répulsion et fascination.
Peut être aussi parce que c’est le portrait d’une femme détruite. Enfin, je le ressens comme ça.

A vous de voir.


***

Je travaille au « Mister Ming » le plus beau cabaret de Hongkong. Je suis la plus belle et la plus grande putain chinoise sur le marché actuellement. Je suis une salope de première, je ne fais aucun sentiment avec personne et je n’ai peur de rien. Je n’apprécie rien non plus. Tout m’est indifférent, vous dire pourquoi ? Je n’en sais rien et je ne cherche pas à le savoir. Luxe et vice pourraient être l’emblème de chez « Mister Ming ». Moi, tout cela m’est égal car j’ai mon lieu réservé. C’est un salon auquel on accède par un très long couloir baigné de musique baroque chinoise, de la musique sacrée. Un couloir sombre et rouge comme le sang. Rouge comme mes lèvres et mes ongles, rouges comme les bas de soie fine qui gainent mes jambes surprenantes, des jambes longues et très bien dessinées. Je suis la putain la plus recherchée et la mieux payée, une heure avec moi vaut une véritable fortune. Ce sont des séances très spéciales. Je ne peux officier que deux ou trois fois dans la soirée et dans la nuit car je me donne vraiment et qu’il m’est impossible de tricher. Tout d’abord je danse en me déshabillant lentement. Il fait chaud et il y a un parfum d’éther et d’opium mélangés, certains n’y résistent pas et sortent vomir tripes et boyaux. Ceux qui restent sont prêts pour la séance. Je leur présente alors un coussin de satin blanc sur lequel sont posés et rangés délicatement une série de couteaux bien aiguisés, des rasoirs bien affûtés, brillants sous les projecteurs. Je leur demande d’en choisir un et je veux savoir le prix qu’ils veulent mettre pour avoir le droit de me trancher un morceau de peau et de le manger. Pour un morceau de peau sous le bras, la main ou le pied c’est moins cher que pour la peau d’un de mes seins. Les morceaux de peau les plus coûteux se situent juste entre les cuisses sous le sexe. Il faut qu’ils s’y prennent lentement pour savourer leur plaisir et laisser monter le désir. La musique digère nos plaintes et eux digèrent ma peau. Je suis la putain la plus scarifiée de Hongkong. Je suis la putain la plus chère et pourtant je ne travaille qu’une nuit sur quatre, le temps de laisser ma peau se reconstituer et permettre à mes coupures de cicatriser. J’aime mon travail, c’est la seule chose qui me donne du plaisir et remplit mon âme de joie et de fierté.

Le reste m’indiffère.



Jean Guidoni

1 Comments:

Blogger Ry said...

En fait, il est assez court, même sur un blog, mais n'en est que plus saisissant. Je crois que j'aime assez la sobriété de la syntaxe comme du lexique, opposée à la complexité du personnage. Beauté anonyme qui engage tous ses charmes prédateurs à devenir la proie : en lieu et place de la mante religieuse, une mante catin.

09:10  

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